Des surprofits financés par l’argent public

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L’industrie pharmaceutique se porte bien, très bien même. Le Covid qui a ravagé les économies ne l’a pas affectée. Les ventes ont continué à progresser pour atteindre plus de 1.400 milliards de dollars en 2021. En 20 ans, les rentrées pour l’industrie pharmaceutique ont augmenté de 265%, nettement plus que l’économie mondiale.

Certaines firmes ont même connu des niveaux de vente et de profit record grâce au vaccin Covid, relançant le débat sur le rôle du financement de la recherche par l’argent public, la transparence et la (levée de la) protection par les brevets.

Ces ventes toujours plus importantes pour le pharma, ce sont les patients qui les paient, directement en achetant des médicaments ou via le financement des système d’assurance soins de santé.

Et grâce à nous tous le pharma est le secteur avec le plus haut taux de profit au niveau mondial.

Taux de profit par secteur d’activité

Il est vrai que le pharma est une industrie qui nécessite des investissements importants en recherche comme le montre l’OCDE.

Investissements en recherche par secteur d’activité.

Le Pharma est le 2e secteur qui nécessite le plus d’investissement en recherche.

Source: OECD Analytical Business Enterprise R&D (ANBERD), Structural Analysis (STAN) and System of National Accounts (SNA) databases. https://stat.link/q4x5lc

Mais il est vrai aussi que les états financent de manière massive la recherche fondamentale pour les médicaments !

Investissements en recherche par secteur d’activité.

Le Pharma est le 2e secteur qui nécessite le plus d’investissement en recherche.

Source: OECD Analytical Business Enterprise R&D (ANBERD), Structural Analysis (STAN) and System of National Accounts (SNA) databases. https://stat.link/x6f02a

Cet investissement des états  n’est pourtant absolument pas pris en compte lors de la fixation du prix du médicament développé sur base de cette recherche. On peut parler d’un véritable double paiement par le public.

Les firmes pharmaceutiques demandent de plus en plus aux états de partager avec eux les risques mais ne sont pas prêtes à partager les bénéfices. C’est particulièrement clair pour les traitements du Covid. Les états ont accepté de contribuer à coup de centaines de millions à la recherche, ont conclu des contrats d’achat (« advanced purchase agreement ») dans lesquels ils acceptaient de préfinancer  les investissements de production … pour in fine payer le prix fort pour les vaccins. L’évolution des chiffres d’affaires des firmes qui ont vendu des vaccins Covid parle d’elle-même. Pfizer, BioNTech et Moderna ont engrangé un bénéfice record de 34 milliards de dollars en 20211

L’explosion des prix touche donc tout le monde directement. Et on peut parler de véritable explosion quand on regarde le prix moyen des nouveaux traitements : depuis 2008 il a augmenté en moyenne de 20% par an aux Etats-Unis, passant d’un prix médian d’un peu plus de 2.000 dollars à un prix moyen de 180.000 dollars !

Certains domaines sont particulièrement propices aux augmentations de prix ; l’oncologie est sans doute le domaine le plus frappant avec l’arrivée successive des immunothérapies puis des thérapies géniques qui ont fait passer les traitements de quelques milliers d’euros à plusieurs dizaines de milliers, puis à quelques centaines de milliers d’euros comme pour le Yescarta dont le prix officiel (avant déduction des ristournes confidentielles négociées avec la firme.) de 304.220€ en Belgique est en ligne avec les prix internationaux.

Les maladies rares sont également un point d’attention avec des coûts par an pour chaque patient de plusieurs centaines de milliers d’euros2, qui ont encore connu un bond avec l’arrivée de thérapies géniques comme le Zolgensma ou le Libmeldy  à plusieurs millions d’euros le traitement unique.

Et on gardera à l’esprit le scandale des traitements contre l’hépatite C, une maladie très répandue puisqu’elle touche pas loin de 1% de la population, qui ont été commercialisés aux alentours de 40.000€ alors qu’ils sont extrêmement simples à produire pour seulement quelques centaines d’euros (ce sont des médicaments chimiques basiques). Le prix de ces traitements est particulièrement interpellant à la lumière de l’enquête menée par le sénat américain qui a démontré que le prix fixé pour le Sovaldi, le 1er antiviral contre l’hépatite C (qui a été la base pour fixer le prix de tout ceux qui ont suivi) a eu pour seul objectif de maximiser le profit de la firme Gilead.

“Gilead’s marketing, pricing, and contracting strategies were focused on maximizing revenue—even as the company’s analysis showed a lower price would allow more people to be treated—not only for Sovaldi, but more importantly for its follow-on sofosbuvir-based product pipeline. Significantly, when confronted with the widespread initiation of access restrictions, Gilead refused to offer substantial discounts and did not significantly modify its contracting strategy to improve patient access.”

Même lorsqu’ils se sont rendu compte que leur prix trop élevé empêchait le traitement de patients qui en avaient besoin, ils n’ont pas réduit leur prix.

Les stratégies utilisées au niveau mondial par les firmes pour maximiser leur profit sont multiples. Elles vont des plus anciennes comme le « salami slicing » ou découpage en petites tranches des indications pour lesquelles le médicament demande à être remboursé (puisque plus le groupe de patients est petit et plus il est facile de négocier des prix élevés), l’utilisation de patients comme moyen de pression sur les décideurs politique (cfr le petit Victor dans l’affaire Soliris), ou les contrats avec des ristournes confidentielles afin de faire croire aux autres pays que les prix demandés ont été obtenus, à des plus récentes et innovantes dont le manque d’éthique est particulièrement choquant, telle la  loterie organisée par Novartis pour le Zolgensma (traitement vendu à 2 millions d’euros). Et bien sûr, le chantage sur le non-accès (« je ne commercialiserai pas mon médicament chez vous si le prix baisse trop »), à l’emploi (« je vais devoir réduire le personnel de mon site dans votre pays ») et à l’investissement (« je choisirai un autre pays pour ma nouvelle unité ») restent des valeurs sûres…

1 https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/pfizer-biontech-et-moderna-realisent-1-000-dollars-de-benefices-par-seconde-alors-que-les-pays-les-plus-pauvres-du-monde-restent-en-grande-partie-non-vaccines/

2 Voir l’étude Solidaris « Quel serait l’impact d’un prix juste pour les médicaments en Belgique ?»

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